Woofing : « Vivre et apprendre dans des fermes biologiques ». Mouvement qui permet des échanges de savoirs et d'entraide entre individus de tout horizon et des agriculteurs bio, des particuliers écolos. Le volontaire est logé , nourri et offre ses bras, l’hôte est aidé et transmet son expérience. Un concept gagnant/gagnant, qui plus est dans un pays étranger, les échanges culturels sont garantis, ça nous plait !


Le woof de Los Toldos : « vegetables and bioconstruction (…) beautiful mountains, crystal clear rivers and hot springs, but above all a space of tranquility, where you can connect with nature ». Il s’agissait de venir aider à la ferme en permaculture et à construire une petite maison en adobes. 


L’adobe, très employée en Amérique du sud est une brique en terre locale mélangée à de l'eau et une faible quantité de liant végétal (paille hachée par exemple), séchée au soleil. Les adobes sont ensuite assemblées grâce à un mortier en argile pour constituer les murs des bâtiments. L’occasion pour nous d’apprendre un nouveau mode de construction !  


Alan, un français très sympa croisé aux pieds du Machu Picchu, qui voyage de volontariat en volontariat est justement passé par chez Rapha et Angeles, il nous recommande vivement ce lieu. C’est décidé, on se lance !


J’envisage d’y rester 2 à 3 semaines selon comment ca se passe pour avoir assez de temps pour apprendre et connaître le couple. Julien ne restera qu’une semaine, il en profitera pour faire un petit bout de voyage en solo.


J1 – mercredi 10 oct., arrivée sur le lieu

Effectivement, l’endroit est bien perdu au milieu de petites collines verdoyantes. Le village Los Toldos compte tout de même 4000 habitants mais n’est accessible que par une seule piste (bolivienne) d'une vingtaine de kilomètres. Pas de bus, pour nous ce sera donc en stop. 


Le bus de Tarija nous laisse comme convenu à la Cruz de Los Toldos (début de la piste). Nous commençons à marcher, traversons le pont un peu bancale, ça y est ! Nous sommes en Argentine ! Mais au fait, pas de poste de douane ?! Nous continuons et verrons au village…


Après une heure de marche avec nos gros sacs, un pick-up passe enfin dans notre sens. Il s’arrête gentiment. Il transporte déjà 4 personnes, je monte dans la cabine et Julien dans la benne à l’arrière avec les sacs. Le chauffeur roule à fond, Julien fait des bonds à l’arrière, pas facile de se tenir !


Nous arrivons dans le ravissant village Los Toldos. Rapha nous attend, sa guitare à la main. Rapide détour par la gendarmerie pour les formalités migratoires. Le tampon de la dame est resté à la casa (¿!?¡), nous sommes bons pour revenir demain !


Nous marchons encore 2 km (les sacs sont toujours aussi lourds !) pour atteindre leur mignonne petite maison. Le lieu est comme sur les photos, bien que sous les nuages. 


Angeles, à notre surprise beaucoup plus âgée que Rapha (+19ans) mais peu importe, nous sert une bonne assiette de lentilles. Ici, on mange de délicieux mets végétariens, elle cuisine très bien.  

Nous sortons les bonnes bouteilles de vin artisanal achetées dans les bodegas de Tarija et le fromage bolivien dans une dynamique de partage. Loupé, Rapha n'aime pas le vin et Angeles n’en boit pas beaucoup. Le fromage restera quant à lui dans le frigo toute la semaine.


Les règles sont tout de suite mises sur la table, ce qui n’est pas pour nous déplaire, il est important que les choses soient claires dès le départ : travail 6j/7, 6h/j de 8h à 12h avec une pause thé de 20 minutes à 10h, repas, sieste et reprise de 16h à 18h, petit goûter et douche avant la soupe de 20h30-21h.


La nourriture est quantifiée, Angeles nous explique que s'ils devaient prévoir plus, ils ne pourraient pas se permette d’accueillir des volontaires. Si nous avons encore faim, nous pouvons toujours aller au village acheter des victuailles mais eux mangent autant que ce qu’ils nous donnent donc ça devrait suffir. Le ton est donné !


Rapha nous fait un rapide tour du proprio, il n’est pas très bavard. La météo des prochains jours n’est pas bonne, nous ne travaillerons donc pas sur la petite maison en adobes au moins jusque dimanche. Il faudra préparer le terrain et planter les fraises.


Nous dînons (une assiette de soupe et un morceau de pain maison succulent) avant de nous coucher sur des matelas à ressorts peu confort, mais nous avons l’habitude.


J2 – jeudi 11, premier jour de labeur

Le chant des oiseaux au réveil est un vrai régal. A 7h55, Rapha toque à la porte de la chambre, nos téléphones sont toujours réglés à l’heure bolivienne, nous avons une heure de retard. Zut ! Pour le premier jour, ça la fout mal !


Nous avalons notre petit déjeuner sommaire (un thé et deux petits morceaux de gâteau maison) et après un rapide brief, nous voici pioche à la main pour retourner la terre (pour le plus grand bonheur des poules qui arrivent à grand pas pour gratter la terre) et constituer les futures rangées de fraisiers. Il me semblait qu’en permaculture, on cultivait sur bute pour éviter de retourner la terre ¡?!¿ Bref, Rapha est parti travailler (il est prof d’histoire) nous exécutons donc seuls notre première matinée de travail. 


Angeles rentre vers 13h pour préparer le repas, nous avons faim ! A 15h, nous retournons au village à pieds pour nos papiers. Cela prend du temps car nous n’avons pas de tampon de sortie de la Bolivie. Nous sommes juste rentrés pour 16h passées, décidemment la ponctualité n’est pas de mise aujourd’hui !


Le soir, au repas, ils remarquent que nous avons des têtes fatiguées. Evidemment, 6h de pioche, ça fatigue ! D'autant que notre corps n’est pas habitué. Et on a faim (mais ça on le garde pour nous). Rapha, en riant, nous indique que c’est le travail le moins physique que l'on peut faire ici. Pas un merci ou une parole de gratitude, rien. On préfère en rire et passer à autre chose.


J3 – vendredi, deuxième jour de tranchée

Sans surprise, nous continuons la préparation du terrain. Même refrain le soir lorsque l'on est un peu courbaturé… "Ce n’est pourtant pas le plus dur !"

Aujourd’hui, Rapha ne travaillait que le matin. L'après-midi, il coupait les poutres pour la petite maison pendant que nous piochions. Vague sensation d’être exploités pour les tâches ingrates...


J4 – samedi, troisième jour 

Voilà le week-end ! Peut-être que les moments de partage et d'échanges seront plus nombreux ?!

Le matin, nous finissons les tranchées, seuls et ensuite nous commençons à planter les fraises. Rapha, lui, huile les poutres. Peut-être qu’il envisage que l'on travaille ensemble lundi (jour férié) sur la petite maison ? En tout cas, c’est ce que nous préférons croire.


J5 – un dimanche chez Rapha et Angeles

Repos. Chacun dans son coin à bricoler, on ne peut pas dire que l’ambiance soit très familiale.

D’autres voyageurs ont laissé des guides de voyage sur l'Argentine, nous en profitons pour prendre en photo les parties qui nous intéressent et se projeter dans nos prochaines visites… Nous abandonnons le routard Pérou/Bolivie de Sab&Djé pour les prochains voyageurs.


Le garagiste vient pour réparer la pick-up. Problème, il manque une pièce. Rapha ira à Tarija lundi pour l’acheter, en stop, ça va lui prendre la journée. 


C’est décidé, je ne passerai pas une semaine de plus dans ces conditions. Nous étions venus pour échanger partager, aider, apprendre, pas pour être ouvriers bénévoles. Nous finissons la semaine et en route vers de nouvelles aventures !


J6 : lundi, cinquième jour de boulot

Le matin, on déplante les fraisiers enherbés, on les replante… travail très répétitif mais moins fatiguant que la pioche ! 


Le midi avec Angeles est propice à plus d’échanges. On apprend qu'elle n’aime pas trop sa famille (fachos), elle n’a pas vu sa sœur depuis 30 ans. Ses convictions de Gauche sont très fortes. Plus jeune, elle s’est engagée dans un groupe léniniste pour revendiquer fort ses idées. Aujourd’hui, après avoir vécu plusieurs années en Patagonie, dans des conditions climatiques difficiles, ils ont ce projet de lieu touristique. Elle rêve d’ouvrir son restaurant, la maison actuelle deviendra un petit hôtel, la petite maison en construction un bungalow et leur maison sera plus haut sur le terrain avec une jolie vue. Ils ont commencé il y a 5 ans et grâce aux volontaires accueillis, le projet prend forme peu à peu.


Nous annonçons à Angeles que nous partirons jeudi. Poliment, nous préférons invoquer la beauté de la région que nous souhaitons visiter. On sent un petit froid mais la discussion reprend.


L’après midi, une fois les rangées de fraisiers plantées, arrosées et protégées des poules, nous peignons des planches sans savoir à quoi elles serviront. Angeles nous a montré comment bien essorer le pinceau avant de huiler les planches pour ne pas gaspiller le produit.

La journée est plus agréable, il y a du soleil, le lieu est tout de suite plus charmant. 


Rapha rentre. Pas un mot. Le visage fermé, comme énervé. Il ne nous dit même pas bonjour. On ne comprend pas trop si c’est à cause de notre départ jeudi ou non. Nous pensons plutôt qu’il a dû être contrarié dans la journée. 


Arrive l’heure du repas. Comme tous les soirs, Rapha diffuse la télé sur son petit PC au milieu de la table, personne ne parle, il écoute les infos ! L’ambiance est glaciale. 

Lorsque tout le monde a fini sa soupe, il prend la parole. 

- « Chicos, vous avez décidé de partir jeudi, c’est bien ça ?

- Oui, effectivement.

- En fait, c’est mieux que vous partiez demain matin. 

- On ne comprend pas bien, il n’y a pas de travail pour les deux prochains jours ? On peut encore aider jusque jeudi.

- Si si, clairement il y’a du travail mais je préfère que vous partiez demain. Vous n’avez pas de ‘buona onda’ avec le lieu, ça se voit, vous n’êtes pas dedans. La seule chose à laquelle vous pensez c’est votre voyage, qu'est ce que vous allez faire après. Partez demain."


Angeles essaie de nous expliquer que cela ne vient pas de nous mais juste que le lieu ne nous fait pas d’effet. Elle rajoute qu’elle va devoir repasser derrière nous car il n’y a pas assez de produit sur les planches. Bref, ok nous partons demain.

Nous indiquons notre déception, que nous pensions réellement qu’il y aurait plus de partage et de moments ensemble, de convivialité. Ils ne comprennent pas nos propos car avec les autres woofers, tout se passe bien. 

J’ai les larmes aux yeux de déception. Je n'imaginais pas du tout que l'expérience prendrait cette tournure. On a donné sincèrement de notre personne, de notre temps toute la semaine pour se prendre une bonne gifle à la figure, c’est décevant. Pour le coup ils ont vraiment une vision gagnant/perdant. Ils reçoivent de l’aide mais ne transmettent rien. 


Aller ! On passe à autre chose, tout ne peut pas toujours être une réussite, le road-trip autour de Salta nous promet de belle rencontres !



Phi - 29/10/2018